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Guillevic,
Proses ou Boire dans le secret des grottes , Fischbacher,
fev. 2001.
 
Cette jolie petite édition nous donne à lire
pour la premère fois des textes en prose de Guillevic. Nous découvrons
ainsi que le poète a pu osciller sur des formes diverses avant de
choisir définitivement le vers libre court. Ces proses tiennent à
la fois de Nerval et de Michaux. On y perçoit une attention à soi,
à son propre monde intérieur, aux labyrinthes de la psychologie. Le
texte a parfois l'allure d'une saynète, tel « Le Roi» ou « Le boufon
du roi », dans lesquels le poète refléchit sur « le cafard » comme
état d'âme, ou les grimaces que se fabrique ce double du roi. «Caïn»
offre une profonde méditation sur l'origine de la culpabilité. « On
ne t'a pas assez tué», dit-il à « Abel, cher Abel, petit Abel au corps
blanc et tendre comme ton nom». « La nuit » est un texte assez extraordinaire
plein d'un érotisme débordant, se transmutant dans la matière « Elle
est étendue là-bas à chauffer son ventre sur les près brûlés par le
soleil[...] Elle est à l'amour, ses cuisses sont toutes mouillées,
vous entendez, elle geint ». Sur le même thème le texte qui commence
par « Ce sera bientôt la nuit » plonge dans la folie, la bonté et
la peur de la guerre. On notera également un paragraphe qui sera repris
sous forme de poème dans Terraqué. Nous sommes là au coeur d'une expression
qui se cherche. Autre rappel de Terraqué: «L'Homme qui bénit
les paysages », cette fois tout entier, deviendra un petit poème,
preuve d'un immense effort de réduction. On peut retrouver le ton
de certaines chansons de Guillevic dans « Le dit de la chambre haute
» et « Le dit du souterrain », dont une première version donne le
sous-titre: « O moi j'ai bu aussi dans le secret des grottes » révèlant
déjà la fascination pour le mystère des origines.
  Le poème en prose ne saurait se définir
comme une poésie sans vers, c'est vraiment le langage commun qui
permet d'exprimer une pensée: il y du liant, une certaine légèreté,
qui n'empêche pas la profondeur ontologique. Tous ces textes sont
émouvants parce qu'ils renvoient à un autre Guillevic qui s'est
transformé depuis. On y sent davantage l'empreinte des paysages
du Sundgau où Guillevic a vécu de 1919 à 1935, et de ce fait, tous
les drames intérieurs d'un homme qu'ont frôlé la folie, l'horreur
mais qui a été sauvé par l'amour.
Bernard Fournier,
Noailles,
France
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