Approfondir sa compréhension de la langue et de la culture anishinaabe à l’aide d’un jeu vidéo


Des douzaines d’étudiants et étudiantes ont rallié la lutte pour protéger l’anishinaabemowin (la langue ojibwée) contre les Linguicidaux dans les cours de langue de Maya Chacaby au campus Glendon.

Lorsqu’on a grandi dans un univers où les activités et les jeux vidéo sont monnaie courante, comment pourrait-on résister à cette description informelle de cours :

« Il existait autrefois un monde dans lequel les Anishinaabe vivaient sur leurs terres ancestrales en communion avec la source vitale de tous les êtres. Grâce aux pouvoirs magiques de l’anishinaabemowin, ils pouvaient communier avec leur source vitale et s’épanouir. Vint le jour où arrivèrent les LINGUICIDAUX qui ont détruit la langue, brisant la connexion anishinaabeg à leur source vitale et dévastant les terres ancestrales. Mais tout n’est pas perdu… Tu as été soigneusement choisi pour traverser une terre stérile et reconquérir la magie de l’anishinaabemowin afin d’aider à bâtir un meilleur avenir pour les habitants des terres stériles et les survivants anishinaabe. »

Professeure adjointe en sociologie d’origine ojibwée de la région de Thunder Bay, Maya Chacaby est passionnée par la langue et la culture ojibwées et est bien décidée à faire revivre l’anishinaabemowin, une langue menacée de disparition.

« Ma mère le parlait couramment, se souvient-elle, mais beaucoup de culpabilité, de honte et de douleur étaient associées à cette langue. Il y a eu très peu de transmission entre les générations à la maison à cause des traumatismes (comme les écoles résidentielles, la rafle des années 60) qui lui sont associés. »

Maya Chacaby dans la forêt virtuelle de son cours.
Maya Chacaby dans la forêt virtuelle de son cours. Photo : gracieuseté de Maya Chacaby

En apprenant elle-même l’anishinaabemowin, Maya Chacaby a réalisé que ces traumatismes étaient un facteur pour de nombreux étudiants autochtones. Lorsqu’on se présente en classe hanté par des sentiments de honte ou lorsqu’on se sent mal à l’aise à cause de sa langue, on n’est aucunement disposé à absorber des connaissances.

« J’ai réalisé que je devais créer un environnement d’apprentissage sécuritaire et accessible — un endroit où on peut faire état de sa honte et acquérir la fierté pour s’en affranchir, afin que l’expérience soit moins pénible », dit-elle.

C’est ainsi que Biskaabiiyaang : the Quest for the Language est né. Fervente amatrice de jeux vidéo, Maya Chacaby a réalisé que les étudiants aussi aimeraient prendre part à un jeu de rôle où ils peuvent bâtir un meilleur monde dans lequel il y aurait un territoire sécuritaire pour sa station de mentorat intergalactique anishinaabe.

« J’ai fait de l’apprentissage de la grammaire et du vocabulaire une immense quête. Je mets au défi les étudiants et étudiantes de m’accompagner dans cette aventure, nous confie-t-elle. Il y a quatre éléments de base à la structure de la langue. La quête consiste à rétablir le cercle [une forme symbolique dans la culture autochtone]. »

Maya Chacaby a conçu son nouveau cours à l’aide d’un jeu d’action à base de cartes auquel les étudiants jouent en classe. Elle a vite constaté « un énorme effet positif. Ils retenaient beaucoup plus de connaissances. En 12 semaines, ils ont appris l’équivalent de ce que j’ai mis trois ans à acquérir dans des cours traditionnels, et ils s’amusaient. »

Le cours a été offert en ligne sur une plateforme commerciale, mais il y avait des limites, en grande partie pour des raisons de sécurité. Cet automne, Maya Chacaby lancera le jeu sur une plateforme spéciale, conçue en partenariat avec le développeur de plateformes d’apprentissage en ligne CDNG, qui lui permettra d’avoir un contrôle complet de la conception, du contenu et de la sécurité du site. Cliquez ici pour visionner la bande-annonce du jeu.

Capture d’écran du jeu de Maya Chacaby, Biskaabiiyaang : the Quest for the Language
Capture d’écran du jeu de Maya Chacaby, Biskaabiiyaang : the Quest for the Language

La nouvelle version de Biskaabiiyaang : the Quest for the Language est un jeu de rôle en ligne massivement multijoueur qui invite chaque élève à se doter d’un avatar et à se déplacer dans un territoire où évoluent d’autres joueurs en temps réel. Les avatars traversent un paysage d’apocalypse parsemé de coupes à blanc, de lacs débordant de déchets de plastique et d’anciennes mines d’uranium radioactif. C’est un paysage que de nombreux étudiants autochtones peuvent reconnaître.

Pour réaliser leurs quêtes de nature grammaticale, les avatars doivent trouver des guérisseurs spirituels, apprendre comment survivre en trouvant de l’eau, un abri et de la nourriture et faire preuve de respect envers les autres êtres qui partagent la terre avec eux. Maya Chacaby a incorporé des récits traditionnels aux quêtes.

« Les étudiants et étudiantes découvrent la langue et la culture anishinaabe dans une communauté bienveillante en ligne », explique-t-elle.

Elle compte développer un partenariat avec des communautés autochtones de la région du lac Nipigon qui viendraient enrichir le jeu d’interactions avec des aînés et autres personnages des réserves afin d’offrir du soutien et des savoirs tirés de leur vécu. Son cours à l’automne servira de test bêta du jeu, puisqu’elle espère pouvoir éventuellement l’élargir pour inclure des apprenants d’anishinaabemowin d’ailleurs.

« Le jeu ne sert pas seulement à l’apprentissage de la langue, mais aussi à découvrir la conception du monde de mon peuple, dit-elle. C’est un univers englobant où on essaye de comprendre le monde de ce point de vue. Ça met au défi notre façon de penser.

Nous avons une riche culture, et le jeu est une façon pour les autochtones et les non-autochtones de se rassembler, de trouver des solutions à des problèmes épineux et de créer un nouvel avenir. »

Elle entrevoit déjà l’ajout d’autres groupes autochtones qui enrichiront le jeu de leurs territoires traditionnels et qui l’utiliseront pour enseigner leurs langues.

« Les Nations Unies ont déclaré que 2022 marque le début de la Décennie des langues autochtones. Nous fournissons une plateforme à Glendon, en commençant par l’anishinaabemowin, précise Maya Chacaby. Ça fait partie de la volonté de vérité et réconciliation.

Mon objectif est d’être une force pour la réconciliation. La transmission culturelle du savoir — y compris de la langue — est avantageuse pour tout le monde. »

Elaine Smith, collaboratrice spéciale de Innovatus