Article rédigé par Liliana Antonshyn et Alyssa Ramos, apprenties chercheuses au sein du programme du Collège Glendon de l’Université York.
Le 29 mars dernier, l’Institut Dahdaleh pour la recherche en santé mondiale a organisé une discussion collective animée par Mmes Carol Devine et Yasmin Al-Sahili. Mme Devine est chercheuse communautaire à l’Institut Dahdaleh et travaille à l’élaboration d’un cadre pour la défense de la santé planétaire. Mme Al-Sahili y a travaillé avec Mme Devine en tant qu’assistante de recherche.
La question qui a intéressé le groupe était la suivante : comment élaborer des stratégies pour encadrer et communiquer les connaissances sur la santé planétaire? L’objectif est de développer des principes qui favorisent la sensibilisation dans les domaines de l’humanitaire, de la santé mondiale, de la santé planétaire et du changement climatique.
Mmes Devine et Al-Sahili soulignent que ce qui était au départ un simple cadre s’est transformé en un « outil de sensibilisation » qui explore les impacts du changement climatique sur la santé. Cet outil est destiné à alimenter les programmes opérationnels pour atténuer le changement climatique et à plaider en faveur de nouveaux modes de vie durables pour les humains et les autres formes de vie terrestre.
En tant qu’outil vivant, il évolue constamment et parfois rapidement en réaction au dialogue d’un vaste éventail de protagonistes. Ce dialogue est essentiel. Comme le dit Mme Devine, en paraphrasant Nicole Redvers, Ph. D., leader de Indigenous Planetary Health, le changement climatique ne sera pas résolu avec des solutions techniques. Au contraire, « la crise climatique sera résolue grâce au langage et au dialogue ».
Lors de l’élaboration de l’outil, il a fallu se demander comment communiquer efficacement les connaissances à divers publics. Un dessin circulaire avec plusieurs anneaux, par exemple, vise à montrer l’interconnectivité de différents éléments. Il rappelle les relations entre la santé humaine et le bien-être du monde naturel ainsi que les solutions connues parmi et entre les différents acteurs.
Mme Devine souligne que les peuples autochtones et les communautés locales sont particulièrement importants pour gérer la biodiversité de façon responsable et trouver des solutions au changement climatique.
Mme Al-Sahili est d’accord avec ce point de vue. Elle souligne l’importance de comprendre le colonialisme et les pratiques coloniales dans l’exacerbation des conséquences sanitaires associées au changement climatique. « Les victimes du colonialisme subissent les effets les plus immédiats du changement climatique, observe Mme Al-Sahili, mais ce sont elles qui ont le moins contribué au réchauffement de la planète. Les voix des personnes qui ont des visions du monde non occidentales, et en particulier les savoirs, les perspectives et les façons de faire autochtones, sont essentielles pour décoloniser les outils de santé planétaire. »
Il faut donc reconnaître que nous vivons dans un monde pluraliste, où coexistent plusieurs modes de connaissance différents.
Un grand nombre de scientifiques formés en Occident comprennent le monde en termes de systèmes et de variables. Cela peut être très différent de la manière dont d’autres communautés et cultures se comprennent elles-mêmes et comprennent leur environnement. Malgré la diversité de leurs communautés, plusieurs peuples autochtones, par exemple, considèrent que le monde est imprégné de responsabilités fortes, voire sacrées, à l’égard des terres qui sont les leurs depuis des temps immémoriaux. Les scientifiques autochtones peuvent apporter des connaissances autochtones à la résolution des problèmes lorsqu’ils et elles cherchent à comprendre et à atténuer le changement climatique [1].
Le cadre doit répondre à des paradigmes concurrents. En tant qu’outil vivant, il est toujours possible de le modifier, de le mettre à jour et de l’améliorer.
Les membres du séminaire ont apporté de nombreuses idées à la conversation.
Certaines personnes ont suggéré qu’il serait utile d’ajouter des récits à l’outil pour illustrer et diffuser les connaissances à un large public. Les récits nous représentent et sont au cœur de ce que nous sommes en tant qu’êtres humains. Comme l’a fait remarquer le professeur Orbinski, « nous disposons de beaucoup de données scientifiques sur le changement climatique, mais nous n’avons pas beaucoup de récits. »
Des récits convaincants, au même titre que la science ou combinés avec elle, sont nécessaires pour nous aider à comprendre les défis que représente le changement climatique.
D’autres personnes ont proposé de créer un programme de certificat au sein de l’Institut de recherche en santé mondiale afin de partager les connaissances au sein du monde universitaire sur l’importance cruciale de la santé planétaire.
De plus, l’outil de santé planétaire doit être pertinent au-delà du monde universitaire. Le groupe a souligné que pour être utile, il doit être compris par la plupart des gens. Certaines personnes ont suggéré de créer un site Web pour rendre l’outil interactif, dynamique et accessible à une vaste gamme d’utilisateurs.
Lors de cette discussion animée, la relation entre la santé et le bien-être au niveau mondial et la santé de la planète a été mentionnée à plusieurs reprises. Nous ne serons en bonne santé, en tant que communautés, que si nous vivons dans des écosystèmes sains. Cela exige que nous fassions notre possible pour atténuer le changement climatique et prévenir d’autres conséquences négatives, souffrances et pertes, tout en plaidant en faveur d’un avenir plus durable et plus équitable sur le plan de l’écologie.
[1] Voir, par exemple, la scientifique Anishinaabe Myrle Ballard :
https://science.gc.ca/site/science/en/blogs/science-behind-scenes/introducing-ecccs-new-director-indigenous-science