Enseignante à Toronto et militante antiracisme, Korina Thomas-Reynolds lance une école indépendante pour élèves noirs

Écrit par Kevin Bourne et initialement publié dans Shifter Magazine.

Korina Thomas-Reynolds, enseignante à Toronto et militante contre le racisme anti-Noirs, est la cofondatrice de Roots To Routes Academy, une école indépendante pour les élèves noirs, située dans la région de Durham.

Pour Korina Thomas-Reynolds, qui est originaire de Scarborough, la décision de devenir enseignante a été facile à prendre.

« C’était quelque chose que je voulais faire depuis que j’étais toute petite, explique-t-elle. C’est un peu une évidence, mais comme le dit Whitney Houston,  les enfants sont notre avenir et c’est un domaine où je peux changer les choses. »

Après l’école secondaire, elle a dû choisir entre rester à Toronto, étudier en dehors de la ville ou passer une année à l’étranger.

Attirée par sa réputation de lieu de formation pour les enseignants de français langue seconde et par son programme d’échange qui lui permettait de prendre une année sabbatique et de partir à l’étranger, elle a choisi le Collège universitaire Glendon de l’Université York. Grâce au programme d’enseignement simultané, elle a pu préparer un baccalauréat international spécialisé en études françaises à Glendon tout en suivant des cours au campus Keele de l’Université York afin d’obtenir un baccalauréat en éducation.

ÉTUDIANTE, ENSEIGNANTE ET MILITANTE

Après avoir obtenu son diplôme en 2018, elle a commencé à enseigner le français dans une école secondaire d’Etobicoke. Mais Mme Thomas-Reynolds n’est pas une enseignante comme les autres : elle milite pour sa communauté et utilise sa voix pour dénoncer le racisme anti-Noirs.

« Cela a commencé dès mon premier jour en tant qu’enseignante à Toronto, explique-t-elle. Ce n’est pas nécessairement quelque chose que j’avais planifié. Je savais que j’allais aider lors du Mois de l’histoire des Noirs. Mais il a fallu que je devienne enseignante pour réaliser à quel point le racisme était endémique à Toronto. J’ai trouvé cela très décourageant… J’ai senti que je n’avais pas d’autre choix que de me battre. Sur qui pouvais-je compter quand j’étais la seule enseignante noire dans l’école? »

DE L’ENSEIGNEMENT PUBLIC À L’ENSEIGNEMENT PRIVÉ

Alors qu’elle enseignait encore dans le système scolaire public, cet amour de l’éducation et de sa communauté l’a amenée à créer avec sa partenaire commerciale, Ramya Selladurai, une école indépendante appelée Roots to Routes Academy, qui proposera des mathématiques dans un programme global. Les deux fondatrices prévoient fonctionner selon un modèle hybride qui leur permettra de proposer à la fois des cours en ligne et dans un espace physique.

« J’ai entrepris de faire ça parce que le changement est ma passion. Quand je travaillais dans des écoles à prédominance blanche en tant qu’enseignante, j’ai vu comment les familles de classe supérieure parvenaient à s’y retrouver dans le système éducatif… Quand les élèves noirs se sentent mal desservis dans le système scolaire public, quelles sont leurs options? 

Nous repoussons vraiment cette vision eurocentrique de l’éducation… En été, nous offrons des cours à crédits pour l’école secondaire : avec nous, les élèves peuvent suivre un cours qui les aidera à se sentir plus confiants dans leur identité culturelle.»

Pour l’instant, elles se concentrent sur la région de Durham et sa population composée de nombreuses personnes noires et d’Asie du Sud en raison de son manque de programmes donnant lieu à des crédits. En effet, les écoles secondaires privées sont généralement situées dans des quartiers riches, comme Lawrence Park et Oakville, ciblant les enfants des familles aisées et empêchant les minorités d’avoir le même accès et les mêmes possibilités.

Même si les cours ne commenceront pas avant cet été, elles proposent actuellement des balados destinés aux parents noirs pour les conseiller sur la manière de s’y retrouver dans le système éducatif.

L’ALPHABÉTISATION CULTURELLE EST IMPORTANTE

Lorsqu’elle repense à son parcours, Korina constate que plusieurs moments clés de sa vie ont contribué à sa compréhension de la culture, tout particulièrement sa décision de passer une année en France, dans le cadre d’un programme d’échange.

« L’année que j’ai passée en France a été transformatrice, explique-t-elle. Elle a changé ma vie et celle de ma famille aussi. À part la fois où je suis allée à la Jamaïque quand j’avais 16 ans, c’était mon premier voyage à l’étranger. Je n’ai pas eu le privilège d’aller à l’étranger dans mon enfance parce que nous n’en avions pas les moyens. »

Pendant son séjour en France, elle a vécu une expérience marquante qui l’a changée non seulement en tant que personne, mais aussi en tant qu’enseignante.

« J’étais sur place lors des attaques terroristes à Paris en 2015. Par conséquent, toute mon expérience a été super chargée politiquement. Cela m’a permis de mieux comprendre la littératie culturelle et l’importance de s’imprégner d’une culture. En apprendre davantage sur les conflits qui se déroulaient en France à l’époque tout en mettant à l’épreuve ma capacité de voyager pour devenir une meilleure éducatrice m’a transformée et m’a aidée à me rapprocher de mes élèves et à envisager l’éducation dans une perspective plus globale. »

Qu’il s’agisse de la diversité culturelle de Scarborough, de son éducation en tant que Canadienne d’origine jamaïcaine à Toronto ou de ses voyages à l’étranger, elle est plus déterminée que jamais à voir les élèves noirs prospérer.

À Glendon ou dans le système scolaire secondaire, le message de Mme Thomas-Reynolds est simple :

« La représentation des personnes noires dans les espaces éducatifs compte à tous les niveaux. »

CONSEILS POUR LES ÉLÈVES DU SECONDAIRE

  • Essayez de profiter de votre dernière année d’école.
  • Donnez-vous le temps de bien réfléchir à la décision que vous êtes sur le point de prendre.