Un cours de Glendon transforme les jardins en sites d’observation


Pandémie ou non, quand on étudie la biologie au campus Glendon, il faut acquérir des techniques de travail sur le terrain. Laura McKinnon a donc décidé de transformer les cours arrière de ses étudiants et étudiantes en lieux d’apprentissage.

Habituellement, Laura McKinnon donne le cours obligatoire « Ecological Monitoring in an Urban Environment » sous forme d’un cours intensif de 12 jours dans le cadre du Programme des universités ontariennes d’études sur le terrain. En temps normal, les étudiants et étudiantes baguent des oiseaux, cherchent les nids de pluviers kildir et visitent un programme de marquage de tortues entre autres activités qui ont lieu dans le vaste réseau de ravins de Toronto.

Exemple d’enregistreur bioacoustique d’oiseaux dans la cour arrière d’un étudiant.
Exemple d’enregistreur bioacoustique d’oiseaux dans la cour arrière d’un étudiant. Photo : S. Nichols

« Pour la plupart d’entre eux, c’est une introduction à la recherche, un aperçu de ce que c’est », explique la professeure agrégée Laura McKinnon au sujet de ce programme de biologie bilingue. « Après, beaucoup d’entre eux décident d’en faire leur domaine d’étude. »

En raison du confinement, McKinnon a reporté le cours au printemps avant d’apprendre peu après que le cours devait finalement avoir lieu à distance. Désireuse de faire en sorte que ses étudiants puissent acquérir les compétences sur le terrain nécessaires à tout biologiste, la professeure a rapidement créé un cours en ligne dans le cadre duquel le travail sur le terrain s’effectuait dans la cour arrière de ses étudiants et étudiantes. (Ces photos ont d’abord été publiées dans la revue Academic Practice in Ecology and Evolution pour accompagner le mémoire de Laura McKinnon sur ce tournant.)

Afin de pouvoir prêter à chaque étudiant le matériel nécessaire au travail sur le terrain, elle a limité les inscriptions à 10 au lieu de 20 et a veillé à ce que chaque étudiant dispose d’un espace vert. La trousse d’études sur le terrain comprenait des jumelles, un carnet de terrain, des guides de poche, un appareil de Berlèse, un microscope de dissection et des appareils de surveillance bioacoustique.

Le cours s’est déroulé sur deux semaines et a été suivi de la soumission d’un mémoire de recherche. La première semaine du cours était consacrée à l’enseignement des techniques de recherche dans la cour arrière, à des travaux comme apprendre à prendre de bonnes notes sur le terrain, à identifier des oiseaux et à en faire un dénombrement ponctuel. Le cours comportait également des séances sur la rédaction scientifique, la surveillance bioacoustique (cris et chants d’oiseaux et de chauves-souris) et sur la statistique. La deuxième semaine était réservée à la recherche. En plus des travaux de recherche qu’ils devaient faire, les étudiants et étudiantes ont travaillé sur un projet de recherche par équipes de deux.

Le cours n’était pas de tout repos. Il fallait se lever à l’aube pour faire un dénombrement ponctuel des oiseaux vus ou entendus et recommencer à la brunante. Il fallait aussi se réunir à 8 h pour partager les données récoltées et discuter des problèmes et activités. Par conséquent, les étudiants se retrouvaient sur Zoom plusieurs fois par jour.

Exemple d'appareil de Berlèse installé dans le garage d'un étudiant.
Exemple d’appareil de Berlèse installé dans le garage d’un étudiant. Photo : M Jurj

Pendant la journée, ils devaient creuser des pièges à fosse pour les insectes et prélever des échantillons de gazon à utiliser dans les appareils de Berlèse, puis identifier les insectes ainsi capturés. De plus, il fallait mettre en place des appareils de surveillance pour tenter de photographier la faune qui s’aventurait sur le terrain. Il fallait prendre des échantillons de l’habitat et décrire son propre habitat urbain en détail, ce qui nécessitait de mesurer la hauteur des arbres ainsi que d’estimer et de décrire la couverture végétale.

« Après avoir acquis des techniques d’échantillonnage en ornithologie, en mammalogie, en entomologie et en botanique, chaque étudiant devenait le chercheur principal de son propre site de recherche, collectant les données individuellement selon les protocoles écologiques standards. Ensuite, il fallait ajouter ces données au réseau des huit sites de recherche à divers endroits de Toronto, explique la professeure. Que ces sites de recherche aient été la cour arrière des étudiants n’enlève rien à leur capacité d’entreprendre des projets de recherche scientifique sur des questions écologiques fondamentales en écologie urbaine. »

Les étudiants et étudiantes devaient aussi saisir leurs données dans un dossier partagé afin que tous les membres du cours aient accès à l’ensemble des données pour leurs projets de recherche. Chaque équipe décidait d’un projet de recherche et rédigeait une proposition de recherche, composée d’une introduction et d’une section sur les méthodes exigées pour un article de revue scientifique, selon les données dont elle disposait. Après avoir reçu les commentaires de leur professeure, l’équipe préparait un aperçu de son mémoire de recherche, y compris une section sur les résultats. Enfin, chaque étudiant devait soumettre un mémoire de recherche, incorporant les commentaires de leur professeure, avec une section de discussion.

« Pour cette discussion, l’étudiant ou étudiante pouvait s’inspirer des théories apprises dans les cours d’écologie, précise Laura McKinnon. Bien que les résultats de leurs recherches soient à petite échelle et ne puissent pas être publiés, il en est ressorti quelques bonnes idées méritant d’être approfondies. »

Une équipe a mesuré les fréquences (en hertz) minimales et maximales des cris des merles d’Amérique au lever et au coucher du soleil à l’aide d’enregistreurs bioacoustiques dans leurs cours arrière. Ces données ont été collectées pendant une période de 10 jours. Le niveau de bruit ambiant anthropique a également été enregistré simultanément par ces appareils. On a alors vérifié si la fréquence des cris des oiseaux changeait pour compenser l’augmentation du bruit anthropique dans des milieux urbains occupés.

McKinnon, qui a reçu des commentaires positifs de ses étudiants, est convaincue qu’ils ont eu une expérience de recherche sur le terrain complète et qu’ils ont acquis les compétences de recherche sur le terrain utilisées par les biologistes.

« Un cours sur le terrain en ligne qui incorpore une expérience directe avec un milieu naturel est possible et ne doit plus être considéré comme un oxymore », dit-elle.

Elaine Smith, collaboratrice spéciale de Innovatus