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Le rôle du contexte du quartier dans la formation de la résilience des migrants : étude comparative de quatre quartiers d’Ottawa-Gatineau

Ce projet avait comme objectif d’examiner le rôle des quartiers dans la formation de résilience chez les migrants. À la suite de conversations avec nos partenaires communautaires (OLIP, CESOC, Ville de Gatineau, SITO), il y a eu un intérêt pour comprendre l’influence de l’environnement social et spatial au niveau du quartier (services/commodités, données démographiques, logement, transport, opportunités d’emploi, organismes/associations communautaires, etc.) sur les expériences d’établissement et d’intégration des groupes de migrants. De plus, nos partenaires se préoccupaient de questions d’équité (accès et utilisation des services, discrimination) et de sécurité (présence de violence, drogues & d’autres problèmes).

Quelle a été notre approche?

Les quartiers représentent une échelle utile et potentiellement instructive pour examiner la résilience des migrants à l’interface de structure/agentivité : comment les immigrants perçoivent-ils l’environnement bâti et social (commodités, services, sécurité) des quartiers où ils vivent, travaillent, élèvent des enfants et jouent (c’est-à-dire un milieu sécuritaire et favorable pour eux et leurs enfants)? Les quartiers constituent des espaces de vie quotidienne qui fournissent l’opportunité d’examiner le rôle du contexte structurel dans les expériences des migrants, dont non seulement les caractéristiques du quartier mais également les politiques gouvernementales à différentes échelles (éducation, santé, logement, etc.) et la façon dont celles-ci se traduisent par des pratiques et programmes (services) offerts sur le terrain. En même temps, nous pouvons étudier les expériences des gens (accès aux services, réseaux sociaux), leurs sensibilités (sentiment de confort, d’appartenance) ainsi que leur niveau d’agentivité en examinant leurs pratiques, choix et prises de décisions (raisons de s’installer dans un certain quartier, durée de résidence, accès et utilisation des services, stratégies pour répondre à  des besoins, engagement avec la communauté locale, perception d’opportunités/défis, etc.) De plus, il est important de prendre en compte les caractéristiques et marqueurs individuels d’identité tels que classe, genre, âge, ethnicité/race, catégorie de migrant, langue, religion, composition familiale, etc. et le rôle de ceux-ci dans le façonnement de leurs expériences vécues et de leurs pratiques dans les espaces quotidiens du quartier.

Sur le plan conceptuel, nous nous sommes proposé d’examiner le rôle des quartiers dans le façonnement de la résilience des migrants à travers le prisme de la triplicité de l’espace selon Henri Lefebvre (1991) : espace vécu, espace conçu, espace perçu. Empiriquement, l’examen portait sur quatre quartiers ayant des caractéristiques distinctes dans Ottawa-Gatineau (deux à Ottawa, deux à Gatineau) sélectionnés avec l’aide de nos partenaires communautaires. S’appuyant sur des travaux antérieurs sur la géographie sociale de la région frontalière d’Ottawa-Gatineau, la nature comparative de notre étude représentait la clé d’une meilleure compréhension du rôle de facteurs à de multiples échelles (provinciale, municipale, locale) et ainsi de la façon dont le contexte institutionnel façonne la résilience des migrants à une échelle plus micro (quartier, communauté, famille, individu). Nous avons adopté une approche de recherche participative communautaire comportant des méthodes mixtes qualitatives (ethnographie critique, entrevues photovoix et séances de rétroaction communautaire). En plus de faire avancer les conceptualisations de résilience migrante et de quartiers résilients, l’objectif du projet était de fournir des recommandations concrètes en matière de politiques et de pratiques qui intéresseraient nos partenaires communautaires, les praticiens dans divers secteurs et les décideurs politiques aux trois niveaux de gouvernement au-delà d’Ottawa-Gatineau.

Ce projet comportait cinq étapes de recherche réparties sur 20 mois (mai 2018-décembre 2019) :

  1. Sélection des quartiers et revue de la littérature (mai-juin 2018) : avec l’aide de nos partenaires communautaires, nous avons sélectionné 4 quartiers (2 à Ottawa, 2 à Gatineau) ayant des caractéristiques distinctes (logement, données démographiques, services/commodités, transport, emploi, etc.) pour prendre en compte les facteurs susceptibles de façonner la résilience migrante. Nous avons aussi entrepris une vaste revue de la littérature sur les expériences des immigrants au niveau du quartier et sur les recherches sur la résilience à l’échelle du quartier. Préparation de demande d’approbation éthique.
  2. Profil du recensement & ethnographie critique (juin-septembre 2018) : Des profils détaillés de chaque quartier ont été préparés utilisant les données des recensements de 2011/2016 (population immigrante, pays d’origine, identité ethnique, langues, âge, scolarisation, revenu, logement, etc.). Nous avons aussi réalisé une ethnographie critique (Carspecken 1995) de chaque quartier en vue d’une compréhension qualitative de leurs formes matérielles et sociales au moyen de visites et d’observation participative dans divers espaces et d’événements publics et communautaires (avec permission). Des notes de terrain détaillées ont été prises. Celles-ci ont été complétées par une analyse des médias locaux (grand public et communautaires) afin de comprendre les perceptions locales de chaque quartier. Les résultats de la deuxième étape ont aidé à la préparation de la collecte de données de la troisième étape.
  3. Entrevues photovoix (août-décembre 2018) : Nous avons recruté 10-12 participants par quartier (n=44) d’une diversité de pays d’origine, statuts de migrant, dates d’arrivée, genres, classes, âges, ethnicités/races, situations de famille, etc. Notre objectif n’était pas la représentativité mais plutôt la capture d’une gamme diverse d’expériences afin de mieux comprendre l’influence des caractéristiques du quartier sur la résilience migrante. Nous avons mené une entrevue à deux étapes :
    1. Réunion pour discuter de leurs expériences d’immigration et d’établissement, faire remplir un sondage démographique et introduire le projet (45-60 minutes);
    2. Réunion pour discuter des expériences des migrants, de leur niveau de confort/inconfort dans le quartier, de ce qu’ils y aiment/n’aiment pas à partir de leurs photos (60-90 minutes). On leur a donné une semaine entre les réunions et on leur a demandé de prendre 5-10 photos. Photovoix est une approche créative ascendante qui donne le pouvoir et la parole aux participants (Wang & Burns 1997) tout en ajoutant un élément visuel pour appuyer les discussions des expériences du quartier.
  4. Analyse & rétroaction communautaire (janvier-mai 2019) : Analyse des données d’entrevues et des photos utilisant une approche constructive et interprétative (Cloke et al. 2004). Dans chaque quartier, nous avons organisé un groupe de discussion/séance de rétroaction communautaire où étaient invités tous les participants ainsi que des représentants/dirigeants locaux et d’autres résidents locaux pour partager nos résultats préliminaires et écouter leurs recommandations. Dépendamment de l’intérêt/disponibilité nous avons aussi organisé une exposition des photos prises à l’étape 3. On a offert des rafraîchissements légers; l’événement constituait une opportunité de dialogue et d’engagement entre les chercheurs, la communauté et les dirigeants et représentants locaux.
  5. Diffusion (juin-décembre 2019) : les résultats ont été diffusés grâce à diverses activités ciblant des publics divers.

Chercheurs principaux :

  • Brian Ray, bray@uottawa.ca
  • Luisa Veronis, lveronis@uottawa.ca

Cochercheurs :

  • Anyck Dauphin, UQO
  • Jen Ridgley, Carleton U

Partenaires communautaires :

  • OLIP
  • CESOC
  • Ville de Gatineau
  • SITO