La crise climatique aura des répercussions sur notre santé, de la disparition des abeilles à l’insécurité alimentaire
Notre utilisation excessive des combustibles fossiles continue de compromettre notre avenir.
Il semble que chaque jour, les médias rapportent des preuves alarmantes du changement climatique : des records de chaleur sont atteints en Australie tandis que les feux de brousse ravagent le pays comme jamais auparavant; le pergélisol du Labrador fond et le niveau des océans continue de monter, menaçant les îles et les côtes à faible altitude.
Des chercheurs de l’Université York nous préviennent que la crise climatique est sur le point de devenir une crise sanitaire.
« L’Organisation mondiale de la santé l’a qualifiée de défi majeur de notre siècle en matière de santé publique, déclare Steven Hoffman, professeur et directeur du Global Strategy Lab de l’Université York. C’est une bonne évaluation de la situation. Ce qui rend le changement climatique accablant, c’est qu’il est causé par la civilisation humaine et qu’il a des répercussions sur tout ce que nous faisons. »
Dawn Bazely, professeure de biologie à York, a consacré ses trente années de carrière universitaire à la compréhension des espèces végétales envahissantes. Observer l’évolution du climat est essentiel à son travail.
Elle explique qu’avec le changement climatique qui réchauffe la planète, des pays nordiques comme le Canada voient apparaître pour la première fois certaines espèces de plantes et d’insectes. « Partout où il y a une tendance au réchauffement, nous allons voir les maladies dominantes en zones tropicales et subtropicales s’étendre à d’autres régions. C’est pourquoi, ajoute-t-elle, on observe davantage de cas de virus du Nil occidental (transmis par les moustiques) et de maladie de Lyme (transmis par les tiques) au Canada. »
Sheila Colla, professeure adjointe à la Faculté d’études environnementales de York, signale que le déclin de la population des abeilles aura des répercussions sérieuses sur notre santé. Mme Colla a constaté des réductions importantes du nombre de bourdons originaires du Canada.
Elle souligne que toutes les espèces d’abeilles sont sensibles aux changements météorologiques causés par le changement climatique. Un printemps précoce ou tardif, par exemple, peut modifier la croissance des fruits, légumes et fleurs pollinisés par les abeilles. Cela affecte leur capacité à se reproduire. Sans abeilles, nous avons moins de nourriture et, par conséquent, moins de sources de nutrition.
« Un tiers de notre alimentation est pollinisé par des animaux, principalement des abeilles », explique Mme Colla. Elle ajoute que les abeilles pollinisent une grande variété de cultures et, surtout, les aliments qui contiennent des antioxydants, comme les tomates, les baies, le chou frisé et la laitue.
« Contrairement aux abeilles domestiques, les bourdons ne produisent pas de miel, mais ils sont d’excellents pollinisateurs, note Mme Colla. Il faut plus d’un type d’abeille pour polliniser nos cultures et pour que nous ayons un régime alimentaire varié et riche en vitamines… Nous devons absolument sauver tous nos pollinisateurs. »
Pour Mark Terry, chercheur post-doctoral et réalisateur de documentaires à York, la réalité du changement climatique et ses dégâts sur les espèces vivantes sont étonnamment visibles aux pôles Nord et Sud.
Quand il a emmené une équipe en Antarctique pour tourner The Antarctica Challenge: A Global Warning en 2010, il a filmé des phoques aveuglés par l’augmentation des rayons ultraviolets du soleil et des manchots s’éloignant de leurs habitats côtiers traditionnels pour aller vers l’intérieur des terres, cherchant désespérément de la nourriture. En effet, leur nourriture principale – le krill, un crustacé présent dans les eaux de l’Antarctique – est en train de disparaître en raison du réchauffement des températures océaniques.
Le Malawi, dans le sud-est de l’Afrique, met en évidence la disparité du changement climatique. Il fait partie des pays les plus pauvres du monde et son économie dépend de l’agriculture. Le maïs est la principale culture vivrière. Mais le rendement des cultures de maïs a récemment chuté de 34 %.
« Le maïs a besoin d’une certaine quantité de lumière solaire et de précipitations, explique James Orbinski, directeur de l’Institut Dahdaleh de recherche en santé mondiale (DIGHR) de York et ancien président international de Médecins Sans Frontières (Doctors Without Borders). Avec le changement climatique, le Malawi connaît désormais des périodes de sécheresse prolongées. La région australe de l’Afrique connaît sa pire sécheresse depuis 100 ans. Les célèbres chutes Victoria coulent au compte-gouttes et les robinets s’assèchent. Plus de 45 millions de personnes dépendent d’une aide alimentaire en raison des mauvaises récoltes. Cela est dû au changement climatique. »
M. Orbinski pointe du doigt une ironie cruelle : « Les régions les plus touchées par le changement climatique sont les plus pauvres et les moins développées. Elles sont les moins résilientes et possèdent les systèmes sociaux, politiques et infrastructurels les moins flexibles. Ce qui est ironique, c’est qu’elles sont les moins responsables des émissions de gaz à effet de serre. »
Y a-t-il un espoir d’atténuer ce qui pourrait être une catastrophe sanitaire mondiale? Les chercheurs de York sont optimistes, à condition d’agir maintenant.
Selon Mme Bazely, cela commence par le partage des connaissances. « Comment pouvons-nous équiper les populations locales partout et les universitaires en dehors de l’hémisphère nord? Comment diffuser largement la recherche et les connaissances? Je m’intéresse beaucoup au libre accès et à la possibilité de faire émerger la recherche financée par les contribuables des systèmes de bibliothèques universitaires. Tant d’universitaires, de chercheurs et de personnes de l’hémisphère sud n’ont tout simplement pas accès aux connaissances qui se cachent derrière des murs coûteux. »
Pour M. Orbinski, la priorité est de « voir la relation symbiotique entre notre biosphère et les civilisations humaines qui définit la santé planétaire. Il s’agit aussi de développer des outils, des technologies et des politiques qui aident les communautés à s’adapter à la nouvelle réalité des effets du changement climatique sur la santé. Nous y travaillons activement au DIGHR. »
M. Hoffman compare l’action mondiale que nous devons entreprendre pour lutter contre le changement climatique à l’action entreprise pour combattre les pandémies. « Les maladies infectieuses se propagent à travers les frontières. Les virus n’ont pas de passeport. Par conséquent, si nous voulons vraiment protéger notre santé contre la prochaine pandémie, nous devons réfléchir et agir au niveau mondial, exactement de la même façon que pour les changements climatiques. »
M. Terry nous exhorte à aider les jeunes à s’engager dans l’action visant à enrayer le changement climatique. Dans le cadre de son travail postdoctoral à l’Institut Dahdaleh, il donne un cours axé sur la réalisation de documentaires et l’activisme environnemental. Il a également dirigé une équipe composée de ses étudiants lors d’une grève climatique « Fridays for Future » à Toronto et a accueilli un groupe d’étudiants autochtones de Tuktoyaktuk lors de la COP 25 à Madrid en décembre 2019.
« Ce sont les étudiants qui nous mèneront vers les réformes nécessaires au maintien d’une planète saine. C’est pourquoi le remarquable travail de Greta Thunberg est si important. Je crois qu’aujourd’hui, notre objectif dans les universités est de fournir aux étudiants les connaissances et les outils dont ils auront besoin pour continuer le combat. »
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Paul Fraumeni est un écrivain indépendant primé, spécialisé dans la couverture de la recherche universitaire depuis plus de 20 ans. Pour en savoir plus, visitez son site Web.