Miguel Siglo, l'un des pianistes virtuoses du transitbar, débarqué un soir avec sa valise, mais sans passé. À ce qu'il dit. Il a fallu six mois après son départ pour savoir qui il était. La semaine dernière, une lettre adressée au barman est arrivée et nous avons su quelques détails, dont sa période comme chef d'orchestre et arrangeur à la boîte de nuit Tropicana de La Havane à Cuba...
Juste avant l'ouverture du premier transitbar à Kassel, pendant qu'on installait les appuie-verres, Luigi entra. En le voyant si beau, on supposa qu'il n'avait rien fait d'autre dans sa vie que sourire, mais il retira la bâche poussiéreuse du piano et se mit à jouer. On lui pardonna sa beauté.
Lors d'une saison plutôt mouvementée (l'année où Sonja est partie avec Toots et Jeremy, emmenant le bébé), il y avait deux gars nommés Peter, l'un derrière le bar et l'autre au piano. Peter le pianiste était tranquille. Il arrivait une ou deux minutes avant le premier spectacle de la soirée, enfilait son blouson d'aviateur et son tutu et alors, peu importe l'activité autour de lui, on le voyait se fondre avec son piano dès qu'il jouait. Si quelqu'un faisait une demande spéciale, disons un tango de Vera ou un air de Daniel, il lui jetait un regard, puis haussait peut-être les épaules. Les femmes qui aiment les hommes énigmatiques le trouvaient charmant et, les soirs où Peter jouait, le piano était toujours bien entouré. Mais faut pas croire qu'il essayait...